Bien après la guerre, quand bien même on disait qu'il s'était remis, je sais pour l'avoir vu qu'il écoutait Londres, en catimini, que sa dent creuse résonnait d'Anglais : il restait des heures la bouche ouverte, dans l'espoir du D. Day.
Il lisait tous les livres, et rogues ses lettres protestaient d'une vérité vaine, tançant les auteurs, ces faiseurs de contes : "Vous n'avez pu, Colonel R. , vous trouver en janvier parachuté dans le Beaujolais ; jamais il n'y eut de peupliers pour border la Nationale que vous prétendez avoir traversée…"
Je l'aime bien, mais il se tait depuis qu'un jour d'élections il a voulu prévenir les gendarmes que les assassins de Jean Moulin, les traîtres de la France Libre avaient repris les armes, qu'un général (à la retraite) allait assassiner celui qui n'était pas encore Président de la République. On ne l'a pas cru, cela ne s'est pas fait, il passé quelques semaines en clinique.
Il a compris de quel complot il était victime. Impuissant quant à ce qui se trame, il me prévient dès que sa femme quitte la pièce : attention, ils sont là, partout, ils nous guettent. Ils ont gagné dans l'ombre. Il faut faire semblant, comme si de rien n'était. Je sais qu'il a raison, et je lui reverse un whisky.
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