La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

lundi 24 juin 2024

Aux absents

 Parfois, sans crier gare, quelque chose nous prend comme nous saisit le vent qui fait pleurer -Etretat, en janvier, on pleure on est cinglé, où êtes vous passés? Le temps de se retourner, le trou dans l'eau s'est refermé sur vous, il a fallu continuer sans. Les absents manquent et si le trou se referme, l'absence n'est jamais comblée, elle creuse en nous des courants d'air glacés mais ce qui nous transit, c'est de comprendre qu'on ne cesse de vous perdre, qu'on vous oublie pied à pied, ce combat perdu qu'on mène, qu'on ne cesse de perdre, vos mains, vos voix, vos yeux qu'on ne sait plus susciter, qui pourtant nous appellent dans un monde indifférent.

vendredi 21 juin 2024

Ich habe genug

 Peut-être rien ce jour, un rayon de soleil qui passe ou qui perce, le buffet qu'on a fermé, on lui préfère la fenêtre ouverte où les chats s'attardent, les fleurs des capucines cramoisies, il est des jours où une fleur suffit. Ce qui chante, oiseaux plus ou moins communs du jardin, bouleversants barytons allemands, Schubert, Messiaen, peu importe finalement qui chante, ce qu'ils chantent, il faut être reconnaissant, ceux qui chantent repoussent la fin même, inventent mon présent. Que le vieux temps reste au buffet, quant au bel avenir, c'est du boniment, du vent: à qui nous ment répondre par le chant, cueillir la capucine, l'éclaircie de maintenant je l'ai vue.  Que le chanteur épouse le hautbois, sa voix la joie, avant que tout ait disparu.

jeudi 13 juin 2024

Monter à Grâce

 Je n'aime pas me souvenir, je préfère que ça me revienne, un baiser d'aube, une boule de neige, le jasmin la nuit, ma sœur qui courait de curieuse manière, ce qui fait retour et suspend le temps, il faut le laisser ressurgir ne rien forcer, être patient, peut-être rien ce jour, peut-être l'essoufflement, le point de côté quand on avait pris le chemin de la côte de Grâce -pour mieux voir le Havre en face, il fallait un franc et la lunette nous projetait vers le port, la cheminée de la centrale et les réservoirs de carburant, qui aurait voulu mettre un franc pour voir des fumées et des pétroliers? On nous refusait le franc, on rentrait dans la chapelle, puisqu'on aimait les bateaux, on admirait les ex-voto,  cela faisait rêver les voiliers suspendus et les marins sauvés, des plaques de marbre remerciaient la vierge. Rentrer ce n'était rien, on dévalait le chemin, indifférents aux toits de la ville, joie de la pente, perspective du goûter.

lundi 10 juin 2024

Bruits

 Voilà trois ans que je vis au jardin, j'ai appris les chants et les cris, les bruits et les couinements de la souris dans la gueule du chat. Toutes les grives ne sont pas musiciennes, un âne nain qui brait en vaut un ordinaire, et les paons qui s'aiment le font savoir. Les canards préfèrent la grand mare à la nôtre, j'aimerais qu'elle convienne à quelque reinette verte ou grise, je ne crains pas les coassements,  mais déjà qu'y vrombisse la libellule (la grande bleue, la petite noire) me contente. J'aime les renardeaux gris qui courent au pli du chemin, le vent dans les  cerisiers la grande fleur mauve de la clématite, jusqu'au bruit de la gamelle de fer blanc que renverse le hérisson qui mange des croquettes pour chat, c'est ici, c'est ainsi, je m'y tiens loin des autres bruits.