Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 21 septembre 2017

Me revient de dire

Ce qui demeure, l'indiscutable, je peux en parler, dire comment lors de tes dernières semaines tu fus l'implacable, la vérité-même pour tous à propos de chacun, et c'était une lucidité malheureuse d'impuissance. A tes enfants seuls tu épargnas tes craintes, à chacun tu écrivis un talisman pour les protéger au futur, encore un peu, jusqu'au bout du bout de tes forces. Cassandre ce n'était pas toi, tu ne fus Cassandre que mourante, mais en effet tout s'est abattu comme prévu par toi, je n'avais pas trop voulu l'entendre, les échecs, les deuils de provision, les petites pulsions de la médiocrité, les trahisons de mauvaise bonne foi, tout a eu lieu exactement comme tu le craignais, tout est consommé. Cassandre ne maudit pas, elle dit juste le malheur, en souffre, et nul ne la croit. Tu fus Cassandre quelques jours, ces quelques jours qui me reviennent quand je regarde autour de moi, que c'est désolation, cendres, statues de sel.
Je me souviens alors que tu ne voulais pas de cela, là aussi tu avais été claire. Me revenait de dire, te dire toi dans l'ombre, la lumière, ce que tu m'as demandé, ce que je t'ai promis. J'essaie, et quand partant vers d'autres paysages partagés, s'offrent des fenêtres ouvertes sur des plages ou des fleuves aux bleus affolants, mi-Klein, mi-Patinir, me revient une enfance d'une couleur outrecuidante, je me relève alors et je tiens parole.

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