Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 23 février 2017

Tact

Il m'appelle l'employé de la filiale qui liquide l'assurance vie de maman, il veut me rassurer le liquidateur, il n'avait pas les papiers, il les a, je suis bien l'héritier, mais ça bloquait, il n'y était pour rien, moi non plus, en fait c'est de ta faute: c'est rare qu'un enfant "prédécède" (ça c'est un mot de notaire dans un courrier d'hier), ça a tout bloqué que tu "prédécèdes", car c'est bien ça, n'est-ce pas, votre sœur est bien morte? Je confirme, tu es morte il y a dix-huit mois, Ah ben non ça colle pas, moi j'ai noté mars 2015, le 19 c'est bien ça? Il n'y a rien à répondre, oui c'est ça, c'est plutôt deux ans que dix-huit mois alors il insiste il est lourd, rempli d'exactitude tatillonne il ne sent rien de mes envies de meurtre, comment lui en voudrais-je, il m'annonce une bonne nouvelle, le liquidateur, le dossier n'est plus bloqué, il a tous les papiers, je vais toucher de l'argent, comment ne serais-je pas content, dans quatre mois le versement et désolé pour le retard. Je raccroche, hébété par l'abruti, sa tranquille obscénité.

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