Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

samedi 1 juin 2013

Saint Georges, cimetière (Prose tombale)


Furent, comme tant d’autres, ceux dont on voit le nom sur les pierres. Ces noms-là ne disent rien. Photos stupéfiées dans des blocs de résine, jaunissement des traits quand l’or des lettres s’éraille sur la dalle. Passons, disons-nous en lisant la disparition même des signes, passons. Des fleurs de porcelaine, un christ au bras brisé, dont la fonte creuse révèle l’imposture. Passons. Vieilles qui ploient, vieilles qui pleurent les vieux, morts. On se souvient de la couperose des charitons, des bannières, des torchères que des bras tremblants portent depuis la peste. Ceux-là aussi, morts. Et les bannières posées qui moisissent dans le chœur : l’agneau de dieu pâli sent le vieux champignon. Couleurs passées, passons, nous passons aussi, et déjà nos mains sont lourdes des fardeaux portés, et déjà nos doigts sont gourds des rhumatismes qui nous vouent à la raideur. Nul ange ne veille. Lames de schiste, feuilles de plomb. Passons.

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