Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 23 mai 2013

Sur des photos d'Hervé Guibert

Avant que plus rien ne me touche, avant d'avoir si peur d'aimer, sans doute il y eut un autre temps. Avant que les larmes ne coulent à la mort des aimés, ce jeune homme que je fus n'a pas su les étreindre, et l'homme que je suis en reste pantelant, leur survivant par habitude. Pulvérisés le cercle des parents, la ronde des amis. L'homme que je suis marche sur les cendres et ne s'y brûle pas, car les braises sont éteintes dès longtemps. Le cœur tiédi, l'homme que je suis regarde des photographies, les confronte aux sourires des jeunes gens du jour, qui eux aussi courent joyeux à leur perte. C'est leur tour d'être en la carrière et je sais qu'il est vain de les mettre en garde, de prendre soin d'eux. Ce n'est plus mon temps, ce n'est plus mon tour. Courez légers, jeunes gens, c'est dans l'élan qu'est la grâce.

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