Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

lundi 15 avril 2013

Villepreux, 2 (Upper-middle class, mettons.)

C’étaient déjà les Yvelines mais demeurait le vieux nom de Seine et Oise sur maints panneaux ; on parlait encore le plus souvent en anciens francs. Le village avait doublé avec la construction de pavillons à l’anglaise, accolés les uns aux autres, mitoyens par le garage. On se saluait par dessus la haie, on était forcés de s’entendre, et de fait on s’entendait, fondus dans l’homogénéité de la classe moyenne, blanche, où les pères étaient dessinateurs industriels et dont les mères organisaient l’après-midi des réunions Tupperweare lorsque les enfants étaient à l’école (Jean Rostand pour les garçons, Marie Curie pour les filles). Les placards étaient donc pleins de boites indispensables, salières étanches bleu pastel, mélangeurs de vinaigrettes dotés d’une hélice en plastique qui interdisait qu’on puisse douter du progrès. On votait à gauche, mais pas communiste, on avait une MJC où des réfugiés chiliens animaient des ateliers d’émaux, un théâtre plein d’illusions nationales populaires, un stade Salvador Allende, un collège Léon Blum. Le père, de droite, s’agaçait de ces noms. Restaient quelques champs au milieu des lotissements, quelques grands domaines dans cet espace mité, confins d’un continuum urbain aujourd’hui accompli. Haies de troènes, haies de thuyas, intimité toujours incertaine contrôle collectif de l’espace urbain, rues limitées à 45 à l’heure: les enfants pouvaient faire du vélo, aller en classe à vélo, au catéchisme à vélo, aucun danger vraiment, on savait toujours où ils se trouvaient. Les courses au Nova, la laideur des arcades du petit centre commercial, la laideur de l’église séparée de son clocher qu’on appelait beffroi pour légitimer l’aberration de son architecture : Tout s’inscrivait dans la fausse sécurité proprette d’une modernité médiocre.

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