Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

samedi 4 décembre 2010

Etat des lieux

Je sais décrire les lits mieux que personne, les draps mordus et les marnières des oreillers. Où je m’enfonce je ne sais pas, un chaos de fibres et de tissus, et ce matelas si dur que tu n’y trouves pas le sommeil.

Je me suis réveillé je n’étais plus chez moi. De vieux chanteurs célébraient un tout petit Prince.

Je regarde et je ne comprends rien, je n’ai plus d’idée sur grand’ chose, ou très confusément. En moi la spirale absurde de l’escalier d’un phare dont la lentille brisée divise la lumière.

Un vendeur de chaussettes au parapluie ouvert avait pris le pouvoir. Le tout petit orgasme du bonimenteur. Le bonneteau. Les badauds. On allait voir ce qu’on allait voir. On a vu. Des chaussettes. Par lots.

Les feux à l’aine des nations, les feux dans les chiffons des pauvres, la bouche en feu des Justes dont je ne suis pas, la colère qui s’épuise à crier sur les toits, rage qui se disperse sur le plasma des écrans plats, les feux bleus ne nous réchauffent pas.

Je me lève. J’ai dormi trois ans. Je ne reconnais rien. Le Président fait exprès de mal parler français. Je me lève, j’ai dormi trois ans, rien n’a changé vraiment. On scotche avec constance des noirs sur les sièges d’Air France, les sièges du fond, de préférence, après les avoir frappés au ventre.

Trois pierres sur le chemin, trois éclats de silex qui ne signifient rien.

Des bouquets de plastique accrochés aux pieux des champs. Il pleut sur nos morts, sur nos enfants stupides.

A quinze ans, Dimitri, gueule d’ange, se la fracasse au calva, jusqu’au coma. Il est huit heures du matin, un jour de semaine.

Et la pluie dans ma bière, ce soir au vieux marché.

Un ministre dit d’un centenaire qu’il ne va pas passer l’hiver. Depuis janvier je paye pour alzheimer. Un gros ministre à la peau lisse et la frange sage nous félicite d’être solidaires.

Je regarde de toutes mes forces, je te jure que je regarde à n’en pas croire mes yeux.

J’ignore comment tu peux dormir mais si tu veux de moi, je t’écouterai respirer.

Le journal je n’y comprends rien la radio ce n’est pas ma langue.

Ces cris-là qui nous stupéfient, ces cris-là qui nous annihilent, absolu l’autre nous laisse sans voix, et nos douleurs médiocres nous les ravalons, honteux.

Les ombres montent, les ombres montent, qui mouchent nos chandelles.

Automne, alors, et les jours brefs comme nos vies, les nuits s’étirant à la mesure de nos terreurs d’enfants gâtés.

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