Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

samedi 27 novembre 2010

Confident des escales

On rêvait de Dantzig, de neige sur la Baltique, on n’allait même pas jusqu’à Brest, on trouvait ça laid, la reconstruction, on râlait contre le crachin. On osait à peine Lorient, les marins avaient des noms ordinaires, du genre Gérard Le Gall, mais je les trouvais beaux même quand ils chantaient faux, même quand ils s’étalaient à la dix-neuvième bière (c’était un seuil psychologique), je croyais respirer l’aventure et c’était le plus souvent seulement du vomi…
Il a fallu vérifier la rouille des cargos, boire des cafés au local de la CGT, porter de quoi manger à des marins ukrainiens oubliés par leur armateur. « Toutes les putains, je les aime, toutes les putains tu m’entends, elles ont tôt le matin, et je paye cher pour le matin, ça gagne plus, faire marin, toutes les putains elles ont le sourire de ma mère ». Des nuits aux Sea Men’s Clubs qui sont toujours les mêmes, les nuits comme les clubs, et vos histoires aussi, et vos mains tachées, et vos jeans de contrefaçon, et j’ai vieilli à vous écouter, et toutes les mauvaises bières ont la même fadeur, et à vous écouter, marins usés, épaves de vous-mêmes, j’ai sous mon tee-shirt le même ventre que vous, dans mes yeux la même fatigue, moi qui pourtant n’ai jamais quitté le quai.

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