Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

samedi 18 septembre 2010

Fatigue des héros

On vous dira combien l’attente nous fut longue, et comme votre retour nous tardait. Ce disant, à vous voir, qui ne comprendrait pas ? Des revenants comme on dit dans les vieux romans, c’est l’ombre de vous-mêmes qui nous est revenue, vos yeux inhabités, vos regards comme voilés d’un glaucome, à vous voir, comment ne pas comprendre que le retour est l’occasion d’un autre deuil ? Les nœuds de vos mains font trembler les journaux que vous peinez à lire, et comment, revenants, pourriez vous sauver notre écume de l’insignifiance ?
Revenus, vous n’irez pas jusqu'à nous qui vous espérions de si longue date, vous ne parlerez pas les langues dont nous avions rêvé. Quand vous parlez, vos mots sont ceux des marchands d’armes, et vos récits ruinent nos espérances, qui évoquent Tombouctou en ruines, Samarkand en cendres. Golconde, vous en riez comme de vieux chibanis. A cinq heures, vous vous refermez. Dehors, nous vous regardons dormir comme si la vie en dépendait.

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